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Rainbowcinema ou le septième art et l'homosexualité
Rainbowcinema ou le septième art et l'homosexualité
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11 août 2006

THE HOURS

quatre_et_demi1



the_hours_affiche1929 : Virginia Woolf cogite sur l'écriture de
Mrs Dalloway (dont le titre provisoire était The Hours), chef-d'oeuvre lu deux décennies plus tard, outre-Atlantique, par Laura Brown, épouse modèle bouleversée par la lecture du roman. Puis un demi-siècle plus tard, à l'instar du personnage woolfien, Clarissa Vaughan s'attelle à la préparation d'une réception donnée en l'honneur de son ami Richard, poète récompensé par un prix littéraire. Trois femmes sont au coeur de The Hours, film de Stephen Daldry, adapté d'un roman éponyme de Michael Cunningham qui s'est lui-même inspiré du roman de la femme de lettres britannique. Le drame embrasse trois époques et existences toutes cristallisées autour d'un seul et même roman, Mrs Dalloway.

Se meut dans leur réveil le cadavre spectral   the_hours_virginai
D'un vieil amour ranci, charmant et sépulcral

Les époques diffèrent mais, en dépit des apparences, les vies sont semblables comme le suggère la mise en scène rigoureuse de The Hours, soulignant le parallèle par de multiples actes ou gestes prosaïques et analogues tels qu'un soupir, une coiffure ou encore des fleurs posées méticuleusement dans un vase. Dénominateur commun de ces histoires intimes : un amour perdu. Sombres sont les heures de cette journée pour le trio féminin du film de Daldry. Virginia Woolf est en proie à une dépression. Laura, elle, se sent the_hours_laura_11écrasée par ses rôles d'épouse et de femme au foyer modèles tandis que Clarissa est rongée par des incertitudes concernant sa vie amoureuse et son orientation sexuelle. Les lueurs d'espoirs sont rares, voire absentes, au sein de ces existences torturées dans une société phallocrate et déchirées par une affliction vertigineuse. Les tentatives sont pourtant présentes : les trois femmes cherchent en vain à reconstruire leur amour (par la préparation d'un gâteau d'anniversaire ou celle d'une réception) et pourtant leurs efforts,the_hours_clarrissa2 certes anodins en apparence mais significatifs, sont hélas emprisonnés dans une cruelle inanité.     

Des sirènes noyées dans la rivière en pleurs   

the_hours_virginia_2Enlisée dans la mélancolie, la mise en scène de The Hours est néanmoins empreinte d'une grâce et d'une esthétique métaphoriques, manifestes à travers trois sirènes échouées dans des eaux profondes. L'élégance transparaît tout d'abord dans le tableau préraphaélite, né du pinceau de Millais d'une Ophélie suicidée, soeur jumelle macabre de Virginia Woolf, elle-même engloutie de son propre chef dans l'Ouse, rivière d'un petit village britannique. Puis le tableau réapparaît dans la scène où Laura, enfermée dans une chambre d'hôtel, tente d'abréger sa vie en avalant de médicaments. Cette pulsion sinistre n'effleure pas Clarissa mais la mort séjourne auprès d'elle via le suicide de son ami Richard. Et les larmes de la noyer à son tour. Impossible de continuer de vivre pour l'être aimé. Mieux n'aurait-il pas valu vivre avec ce dernier ? Mais le temps dévore l'existence. Puis l'heure, irrévocable. L'amour a fait naufrage et s'est échoué dans une abîme impénétrable. Des flots ravageurs ont emporté les sirènes mais l'eau, malgré son aspect fangeux, se veut renaissance.

Le poète voyant                                                                                                                                 

the_hours_21the_hours_1L'amour des lettres : tel est le leitmotiv qui fédère les trois femmes. Les mots sont omniprésents dans le film à travers la plume de Virginia Woof et son roman, entre les mains de Laura. Ils font partie intégrante de l'existence de Clarissa puisque celle-ci est éditrice. Les personnages masculins ne sont pas en reste. Léonard tient une librairie. Richard est poète et renouvelle sans cesse la portée des mots pour les transcender. Tout converge vers la littérature dans le drame de Daldry, véritable hommage au livre qui perdure, malgré les longues années qui séparent les êtres. Le poète, posé en martyr, est également mis à l'honneur. Explorateur de contrées splendides mais également ténébreuses et funèbres, l'écrivain est le messager célébrant la vie et l'amour. Clarissa pose ses lèvres sur celles de Sally. Le baiser n'est pas seulement la recherche d'un souffle vital comme le furent ceux de Virginia (avec sa soeur) et de Laura (avec sa voisine) mais il est l'expression d'un amour unissant deux femmes bercées par le chant d'un Eros désormais bienveillant.

the_hours_42the_hours_31Julianne Moore, Nicole Kidman et Meryl Streep excellent dans leur interprétation. Mais les hommes, dont la présence est moindre à l'écran et nulle sur l'affiche, font pâle figure. Ed Harris (Richard) se fourvoie dans le jeu outrancier du malade, affublé de sa robe de chambre, coiffé de son bonnet et complètement amorphe. Mais le drame conserve son intensité grâce, entre autres, à la musique captivante de Philip Glass, en harmonie avec les très belles images métaphoriques du film référencé de  Daldry où la littérature épouse magnifiquement le septième art.

Sortie : mars 2003
D'après le roman de Michael Cunningham, The Hours
Distribution : Nicole Kidman, Meryl Streep, Julianne Moore, Ed Harris, Toni Colette, Claire Danes, Jeff Daniels
Réalisation : Stephen Daldry
Scénario : David Hare
Photographie : Seamus McGarvey
Musique : Philip Glass
Production : Scott Rudin / Robert Fox
Genre : Drame
Durée : 114 minutes

the_hours_5

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